Décembre 1897



N° 106


Séance du 9 et du 12 Décembre 1897



Les Amiraux ont été informés que, dans l'intérieur de l’île, des Chrétiens ont commis, et commettent encore, des crimes que dénoncent leurs coreligionnaires.

Dans les circonstances normales, les coupables seraient livrés à la justice civile ; et cela ne peut pas se faire en ce moment, faute de tribunaux réguliers en Crète.

Toutefois, comme il est indispensable que ces individus soient mis dans l'impossibilité de nuire, les Amiraux décident, que, lorsqu'une enquête sérieuse aura démontré leur culpabilité et qu'ils auront été livrés par leurs coreligionnaires, ils seront incarcérés jusqu'à ce que l’établissement du nouveau Gouvernement autonome permette de les juger avec impartialité.

Les Amiraux reçoivent fréquemment des réclamations à propos des mesures qu'ils ont dû prendre pour assurer, autant que possible, la rentrée des droits d'importation et d'exportation dûs par les navires de commerce fréquentant l'île.

Ils déclarent que les Puissances, n’ayant pas décidé la fin du blocus, c'est par une faveur spéciale qu'ils ont pu autoriser le commerce de l’île vers l’extérieur, tant qu'il ne s'agit pas d'armes et de munitions. Mais ils ne sauraient admettre que cette faveur devienne une protection de la contrebande, et ils ne pourront tolérer que ce commerce se fasse en s'exonérant de payer des droits qui sont réglementaires, même quand le blocus n’existe pas.

C'est dans ce sens que Messieurs le Commandant Supérieur devront répondre aux réclamations qui se produiraient à ce sujet, et qu'ils n'auront plus à transmettre aux Amiraux.

Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Harry Grenfell
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 107


Séance du 16 Décembre 1897



Un nommé Sigidaki Giovanni a assassiné à coups de pierres, dans l’Akrotiri, une vieille femme dont il a jeté le cadavre à la mer pour cacher son crime ; il a été dénoncé par son propre père qui a pensé, en agissant ainsi, éviter à sa famille les représailles de ses coreligionnaires. L'assassin et la victime sont l’un et l'autre Chrétiens.

Les Carabiniers italiens ont pu saisir Sigidaki au moment où il s'embarquait, à La Canée, sur un paquebot turc, en partance pour Le Pirée. Quoique l'assassinat ait eu lieu en dehors du cercle de La Canée, les Amiraux décident que le coupable sera jugé par la Commission militaire internationale, en raison de la gravité du crime, pour que l'exemple, ainsi fait, contribue à la pacification à l'intérieur, où il n'y a pas de troupes et, surtout, parce ce que l'arrestation a eu lieu à La Canée par les soins de la police internationale.

Les habitants du village d'Arkanes (à 1h30 de Candie) exposent, par lettre aux Amiraux, qu’ils ne peuvent, à cause du cordon militaire, ni se procurer à Candie les denrées nécessaires à l’existence, ni trouver du travail, ni vendre leurs produits, et demandent aux Amiraux d'intercéder auprès de leurs Gouvernements pour qu'on leur vienne en aide.

Une communication du Colonel Chermside, arrivée en même temps, fait connaître que les insurgés voudraient être autorisés à entrer en ville, parce qu'ils s'y trouvent sous la protection des soldats anglais, mais le Colonel ajoute, qu’à son avis, cette permission ne pourrait leur être accordée qu'à la condition qu'ils déposent les armes et que les Musulmans enfermés dans Candie puissent, par réciprocité, vaquer à leurs affaires aux environs de la ville, sans courir le risque d'être assassinés.
Or, il ne paraît pas probable qu'on arrive à obtenir le désarmement des insurgés avant l'établissement du Gouvernement autonome promis et, dans ces conditions, les Amiraux estiment que, pour éviter des malheurs, le cordon doit être maintenu autour de Candie.

À bord du « Alexandre II », à La Sude, le 15 Décembre 1997

Le Commandant Supérieur austro-hongrois signé : L. Jedina
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Harry Grenfell
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 108


Séance du 23 Décembre 1897



Les Amiraux ont été informés, par une dépêche du Colonel Chermside, qu'une bande de Musulmans a attaqué, dans la matinée du 22, aux environs de Candie, une caravane conduite par des Chrétiens. Plusieurs Chrétiens auraient été tués et des mulets capturés.

Le 17 Décembre, d'après une dépêche du Gouverneur de Candie, c'étaient des insurgés qui avaient attaqué un troupeau, volé 200 moutons et tué un berger.

Il est manifeste que la situation devient moins bonne. Le Colonel Chermside sera prié par l'Amiral anglais, au nom des Amiraux, de faire des représentations aux chefs chrétiens et au Gouverneur de Candie pour les inviter à rechercher et à livrer les coupables.

À bord du « Revenge », à La Sude, le 23 Décembre 1897

Le Commandant Supérieur austro-hongrois signé : L. Jedina
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral de la Grande-Bretagne signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 109


Séance du 27 Décembre 1897



L'Amiral Canevaro a reçu de son Ambassadeur, à Constantinople, le télégramme suivant :

La Sublime Porte informe les Ambassades, par circulaire, de son intention de faire relever 5.000 soldats congédiables, de la garnison de Crète, par 5.000 recrues, et demande qu’on en prévienne les Amiraux, pour éviter tout malentendu.

Les Amiraux austro-hongrois, russe et anglais, n'ayant pu assister à la conférence de ce jour, on décide qu'une réunion nouvelle aura lieu le lendemain mais, vu l'urgence, la lettre suivante sera immédiatement adressée au Gouverneur Général de la Crète, par le Président du Conseil des Amiraux :

Excellence,

D'après un télégramme de Constantinople, les Amiraux sont informés de l'intention, qu’aurait la Sublime Porte, d’envoyer en Crète environ 5.000 soldats, pour en relever un nombre égal qui ont terminé leurs services.

Mes collègues et moi n'avons pas encore eu le temps d'étudier à fond cette question très grave, au sujet de laquelle nous nous réunirons incessamment, mais je suis chargé de vous faire savoir, dès à présent, que si ces troupes se présentaient, elles seraient empêchées de débarquer, tant que la détermination prise aujourd'hui n'aura pas été rapportée.

À bord de « l'Amiral Charner », à La Sude, le 27 Décembre 1897

Le Commandant Supérieur austro-hongrois signé : L. Jedina
Le Commandant Supérieur russe signé : Felkersham
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Prothero
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 110


Séance du 28 Décembre 1897



Les Amiraux s’étant réunis pour délibérer sur la question de la relève des troupes turques qui n’a été résolue que provisoirement la veille, l'Amiral Canevaro communique une nouvelle dépêche qu'il a reçue de l'Ambassade d'Italie à Constantinople.

Cette dépêche est ainsi conçue :

Dans une réunion des représentants des Grandes Puissances, nous avons décidé de conseiller à la Sublime Porte de surseoir à la relève de ses troupes, qui pourrait être une entrave à la pacification de l’île.

Les Amiraux sont, d'ailleurs, d’avis que leur détermination provisoire de la veille doit être maintenue et leur Président enverra au Gouverneur Général Ismaïl Bey la nouvelle lettre suivante :

Excellence,

J'ai l'honneur de vous informer, au nom des Amiraux, que nous avons décidé de vous confirmer notre lettre du 27 Décembre.

Sous aucun prétexte, nous ne laisserons débarquer de troupes en Crète quelque soit le motif invoqué pour expliquer ce débarquement, tant que nous n'aurons pas reçu d'ordre contraire de nos Gouvernements.

De plus, la dépêche identique suivante sera adressée par tous les Amiraux à leurs Gouvernements et aux Ambassadeurs à Constantinople :

Dépêche identique

Informés que la Porte avait prévenu les Ambassadeurs à Constantinople que 5.000 recrues viendraient en Crète remplacer un nombre égal de congédiables, les Amiraux, d'un accord unanime, ont décidé de prévenir leurs Gouvernements et leurs Ambassadeurs à Constantinople que jusqu'à décision contraire de leurs Gouvernements, ils s'opposeront au débarquement de ces troupes.

Ils estiment que tout débarquement de troupes turques, pour quelque motif que ce soit, est de nature à créer de graves difficultés et à compromettre la pacification.

À la fin de la séance, l'Amiral anglais communique des nouvelles qu'il a reçues du Colonel Chermside, de Candie, et desquelles il résulte :

1° Qu’on a cessé de distribuer à 3.500 Turcs indigents de Candie les vivres que leurs donnait à titre d'aumône, une société de secours dont Son Altesse Djevad Pacha est le Président en Crète.

2° Que le Gouvernement ottoman a cessé de fournir les vivres à ses gendarmes, qui, depuis longtemps, ne reçoivent pas non plus leur solde.

Le Président du Conseil des Amiraux écrira au Gouverneur Général pour lui faire remarquer combien ces mesures sont inopportunes et propres à susciter toute espèce de troubles.

À bord du « Franz-Joseph », à La Sude, le 28 Décembre 1897

Kaiser Franz Joseph

Le Kaiser Franz Joseph


Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral de la Grande-Bretagne signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

Crète - Occupation Internationale